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Couleurs, Théorie

Etre sûr du rendu des couleurs – Espaces colorimétriques et profils ICC

Travailler avec des couleurs soulève un point essentiel :
comment être certain que les couleurs que l’on utilise resteront les mêmes quel que soit le support sur lequel on les visualise, une impression ou un autre écran ?

Tubes à essais

Pour pouvoir être certain qu’une couleur ne change pas, il faut déjà pouvoir la définir d’une manière universelle et être certain que cette définition sera correctement interprétée quel que soit le support.
Les modes RVB et CMJN sont des systèmes universels pour caractériser les couleurs. Ces codes permettent de normaliser les couleurs. Par exemple, si vous voulez transmettre une teinte RVB à un interlocuteur, donnez-lui la valeur des trois primaires et celui-ci sera capable de recréer cette couleur.

Sauf que… c’est en partie vrai, ou disons que c’est déjà une partie de la solution, mais il manque une donnée essentielle.
Pour comprendre, imaginez que vous créez une couleur à partir d’un mélange de Cyan, de Magenta et de Jaune provenant de tubes de peinture. Pour être sur de la teinte, vous pesez la quantité de chaque primaire. 0,1g de Cyan, 0,5g de Magenta et 1g de Jaune. Vous avez une couleur unique et vous pouvez transmettre votre recette à un ami qui peut, de son côté, recréer la couleur à l’identique en respectant les mesures.

A priori pas de problème. Sauf que…si, il existe un détail qui a toute son importance. Si votre ami a les mêmes tubes que vous (même marque, même nom – en admettant que le procédé de fabrication garantisse la teinte) pas de problème. Cependant si votre ami à des tubes d’une marque différente, qui n’utilisent pas tout à fait les mêmes pigments ou le même procédé de fabrication, les primaires seront approchantes mais pas équivalentes et de ce fait, même en appliquant la même recette, la couleur obtenue sera différente.

Ainsi la recette seule n’est pas suffisante, il faut également que chacun ait la même marque de peintures si l’on veut garantir la couleur. Il peut exister plusieurs marques mais l’important est de savoir avec laquelle la recette doit être appliquée.

Il en est de même pour les couleurs RVB ou CMJN, le codage seul n’est pas suffisant pour garantir que la couleur sera correctement reproduite. Il faut également fixer les teintes des primaires de manière absolue.

Couleurs absolues ?

On a donc deux modes qui permettent de définir les couleurs, mais qui ont besoin que leurs primaires soient elles-mêmes définies de manière absolue pour être utilisables. Alors, comment définir ces fameuses primaires ? Existe t’il un (ou plusieurs) autre système permettant de caractériser les couleurs ? Et surtout celui-ci est-il absolu, c’est à dire mesure t’il une couleur de manière unique ?
La réponse, heureusement pour nous, est oui.

La Commission Internationale de l’Éclairage (CIE) a travaillée au cours du siècle dernier pour créer un modèle capable de définir de manière UNIQUE et ABSOLUE les différentes couleurs. De ses travaux sont nés des modèles, (CIE L*a*b*, CIE xyz,…) qui permettent de “mesurer” chaque couleur indépendamment du support. C’est sur ces modèles que s’appuie le système de gestion des couleurs des logiciels, il sert de référence absolue dès lors que l’on doit définir ou manipuler une couleur.
L’espace CIE xyz peut être représenté dans ce qu’on appelle un diagramme de chromaticité. Il s’agit d’une représentation en 2D de l’ensemble des teintes visibles par l’œil humain.

Par défaut le diagramme représente l’ensemble des couleurs visibles. Une couleur est définie de manière unique par ses deux coordonnées x et y.

Espaces colorimétriques

A partir de ce modèle il est possible de définir de manière précise les primaires qui servent de bases aux modes RVB et CMJN.

Valeurs des primaires de l’espace AdobeRGB définies dans le modèle CIE xyz – Source : Wikipédia


Le choix va dépendre de la technologie, des capacités des appareils et d’autres considérations physiques.

Le fait de fixer la valeur de ces trois primaires dans le modèle CIE (et d’autres caractéristiques dont je ne parlerais pas ici) va définir ce qu’on appelle un espace colorimétrique.

Il existe donc des espaces RVB et des espaces CMJN.
Pour chaque mode il existe plusieurs espaces, résultant de choix différents de primaires. Ces choix ont été établis au fil du temps, de l’évolution des technologies et de l’usage.

Voici, par exemple, pour le mode RVB, les deux principaux que nous utilisons :

La primaire verte a bien la valeur RVB 0/255/0 mais selon l’espace dans lequel elle est définie sa teinte est différente, il s’agit bien de deux points distincts du diagramme de chromaticité.
Pour chaque espace RVB, les couleurs sont comprises dans un triangle donc chaque sommet correspond à une primaire.

Nous avons le système que nous recherchions.

Le fait de standardiser les primaires dans l’espace de référence permet de standardiser toutes les définitions RVB ou CMJN dans cet espace.
Ainsi, si l’on communique une définition RVB, ou CMJN, et l’espace dans lequel elle s’exprime nous seront certain que la couleur reproduite sera exactement la même.

La définition n’est absolue qu’accompagnée de son espace. Sans cet espace les définitions n’ont pas réellement de sens et les couleurs ne peuvent être garanties.
Par exemple il existe des sites internet proposant de convertir des valeurs RVB en CMJN sans se soucier des espaces de définition, faisant penser que les valeurs RVB ou CMJN sont, de fait, absolues, ce qui est faux. Seul Scribus, correctement configuré avec vos espaces de travail, est capable de vous donner les bonnes valeurs de conversion.

Conséquence logique, un même triplet de valeurs RVB (ou quadruplet CMJN) correspond à des couleurs proches mais différentes selon les espaces.

Le même triplet RVB 60/140/130 dans l’espace sRVB – en haut – et AdobeRGB – en bas.

Gamut

Comparons plusieurs espaces, nous remarquons que les espaces RVB sont représentés sous forme de triangle. (1)(2)
Pour chaque espace, les trois primaires correspondent au trois sommets de ce triangle.
Les espaces RVB ont la même forme mais des surfaces différentes. L’espace AdobeRGB (2) est plus étendue que l’espace sRVB (1), ce qui signifie qu’il est capable de représenter des couleurs que l’espace sRVB lui est incapable de coder.
Les espaces CMJN ont une forme différente avec un tracé plus complexe (3).

L’ensemble des couleurs couvertes par un espace est appelé son gamut. Celui-ci dépend à la fois de sa forme et de sa surface.

La zone ou deux espaces se superposent correspond aux couleurs qu’ils ont en commun.
Un espace peut englober un autre, c’est à dire qu’il est capable de reproduire toutes les couleurs de celui-ci.
Si un espace a une zone extérieure à un autre espace de référence, on dit alors que les couleurs de cette zone sont hors gamut de l’espace de référence.

Profils ICC

Le fait de définir un espace colorimétrique et de rattacher les définitions de chaque couleur de celui-ci à l’espace de référence permet d’établir un profil ICC.

Un profil icc est un fichier contenant les correspondances entre les valeurs d’un espace colorimétrique et leurs valeurs dans un espace de référence CIE.

On a donc des profils issus des espaces colorimétriques standards définis plus haut. Chaque espace peut donner naissance à un profil on a donc, entre autres, un profil sRVB, AdobeRVB. Ces profils ne sont rattachés à aucun matériel en particulier.
Ces profils ont plusieurs utilités :

Gimp indique le profil intégré et propose de le modifier s’il est différent de celui de l’espace de travail.

Comment connaître l’espace colorimétrique d’une image dans Gimp

Dans le menu Image > Propriétés de l’image puis dans l’onglet Profil de couleur

La fenêtre Propriétés de l’image comporte un onglet Profil de couleur

Choix du profil des couleurs RVB dans Scribus avec la liste des différents profils disponibles.

Ces profils sont matérialisés sous forme de fichier avec l’extension .icc

Fichiers de profil .icc dans Nautilus

Il est possible de relier n’importe quel espace colorimétrique avec l’espace de référence CIE et donc de créer un profil pour tous les appareils travaillant avec les couleurs.
Par exemple, un écran définit un espace colorimétrique qui lui est propre, en fonction de ses caractéristiques, de ses matériaux ou de ses réglages… Pour créer un profil il faut alors établir les correspondances entre les couleurs qu’il affiche et leur référence dans l’espace CIE. Avec une sonde de calibration on peut analyser l’écran et créer un profil spécifique.


Le profil créé est utilisé par le système ou les logiciels de PAO pour contrecarrer les dérives de couleurs propres à l’écran et ainsi garantir un rendu parfait des couleurs. Concernant la calibration, un article complet est à venir.

Information sur un profil écran, ici son gamut.

ICC, est l’acronyme d’International Color Consortium, c’est un regroupement d’acteurs de la couleur chargé de promouvoir les standards permettant la gestion des couleurs à travers les différents logiciels, techniques ou appareils.
En Europe il existe d’autres organismes (Fogra, ECI) qui se basent sur ses normes et ses mesures pour créer les profils spécifiques à l’industrie de l’impression qui sont mis à disposition de tout ceux qui en ont l’utilité.
Ces profils sont des profils standards mais basés sur des mesures effectuées sur des machines d’impressions spécifiques et dans des conditions normées.

Page de téléchargement des profils d’impression de l’ECI. Lien


Ce sont ces profils que nous utilisons et qui sont incorporés aux pdf envoyés à l’imprimeur.

Principe de la gestion des couleurs

La gestion des couleurs intervient au niveau de :

Ces différents points se résument en une action, passer d’un espace colorimétrique à un autre en gardant les couleurs intactes.

Pour cela la solution est d’utiliser les profils icc.
Le principe est simple, un profil ICC reliant chaque couleur d’un espace à une couleur unique et absolue de l’espace de référence CIE, cette couleur commune peut alors servir de pivot pour passer d’un espace à l’autre.

La couleur commune permet de faire le lien entre les couleurs équivalentes de chaque espace.

La gestion des couleurs est indissociable des profils icc, c’est pourquoi il est important de bien comprendre leur fonctionnement pour mettre en place, dans les logiciels, la gestion des couleurs optimale correspondant à votre flux de création et votre matériel.

Problèmes liés à la conversion des couleurs

La conversion fait passer une couleur d’un espace à l’autre en s’appuyant sur une valeur commune dans un espace absolu. Cependant, les espaces de départ et d’arrivée ayant des gamuts différents dans leur forme ou leur étendue on voit rapidement la problématique que cela peut soulever.
Voyons les différentes situations.

L’espace de départ est contenu dans l’ensemble d’arrivée, la conversion ne pose pas de problème.
L’espace de départ est plus grand que celui d’arrivée ou les deux espaces, de forme différente, ne se chevauchent pas. Les couleurs hors gamut (3e colonne) de l’espace de départ seront modifiées.

Pour répondre à cette situation, les logiciels proposent quatre stratégies. Les différents modes de rendu.

A chaque fois qu’il a une conversion, le logiciel vous demande quel mode vous voulez employer.
C’est le cas, par exemple, lors du réglage des préférences de la Gestion des couleurs.Voir l’article.

Voyons en détails ces solutions.

L’image de base avec le profil sRVB
Les différents modes de rendu lors de la conversion vers l’espace CMJN – Iso Coated 300%.
Perceptuel, Colorimétrie relative, Saturation et Colorimétrie absolue.

Ceci explique pourquoi le passage d’un espace à un autre peut parfois provoquer des changements de couleurs.

C’est ce que l’on constate lorsque l’on imprime des images RVB – c’est à dire que l’on passe d’un espace RVB à un espace CMJN.

Exemple de changement de couleurs lors de la conversion RVB vers CMJN.

La différence entre ces modes n’est pas forcément évidente. S’il ne fallait retenir qu’une chose, dans la pratique on utilise principalement les modes Perceptuel et Colorimétrie relative.

Le mode Perceptuel est souvent présenté comme le mode à utiliser pour les photos – ou les images comportant des dégradés – car il garde la dynamique des couleurs et leurs écarts relatifs. C’est intéressant effectivement mais en contrepartie toutes les couleurs sont modifiées, ce qui peut être dommageable dans certains cas.

Le mode Colorimétrie relative est à préférer si l’on veut que les couleurs communes aux espaces restent inchangées.
En ce qui nous concerne, la conversion importante est le passage d’un espace RVB (sRVB ou AdobeRGB) vers l’espace CMJN d’impression, qui a lieu, dans Scribus, lors de l’export PDF.
Pour cette simulation, et la conversion finale en CMJN, il est préférable de choisir le mode Colorimétrie relative. Ce choix permet d’être sûr que nos couleurs RVB – prévisualisées en CMJN – resteront les mêmes une fois converties vers l’espace d’impression.

A savoir que Scribus, propose dans ses options de gestion de couleur, la possibilité de définir un mode de rendu différent pour les images et pour les couleurs unies (voir l’article). Il est également possible, dans la palette Image de la fenêtre Propriétés, de modifier le type de rendu pour une image précise et ainsi choisir, au cas par cas, le plus approprié.

A retenir

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